L’estimation d’un bien est une étape cruciale dans le processus de vente. Si les vendeurs-particuliers ont tendance à gonfler le prix de vente de façon subjective, les professionnels de l’immobilier ont, au contraire, le devoir de proposer un bien au juste prix. Pourtant, il n’est pas rare de voir des annonces surévaluées… Découvrez les risques encourus en cas de surestimation des biens immobiliers.

1. Surestimation des biens immobiliers : pourquoi cette pratique est-elle utilisée ?

La surestimation immobilière consiste à surévaluer la valeur d’un bien, en fixant un prix de vente supérieur au prix du marché. Si cette méthode n’apporte aucun avantage, nombre de professionnels l’utilisent pourtant…

Pour répondre aux attentes du vendeur

Vendre un bien n’est pas un acte anodin pour un propriétaire. Ce dernier a vécu plusieurs années dans son appartement ou sa maison, y a vu grandir ses enfants ou y a réalisé de grands travaux. De fait, il cède souvent à la tentation de surestimer son bien – jusqu’à 40/50 % ! – pour des raisons sentimentales, et le bien peut ainsi rester à la vente plusieurs années… Quel conseiller ne s’est jamais retrouvé dans cette situation ?

Il existe alors deux manières de réagir.

La première consiste à faire prendre conscience au vendeur de la vraie valeur de son bien, et d’ajuster le prix d’un commun accord, en fonction de la valeur du marché.

La seconde, c’est de surestimer le bien, est d’accepter ce bien surestimé, pour être sûr que le vendeur ne confie pas son bien au professionnel le plus offrant… ou par manque de savoir-faire.

Pour évincer la concurrence et obtenir le mandat

Le problème ? L’estimation d’un bien ne doit jamais reposer sur le prix fixé par le vendeur – même s’il est têtu ! Quels que soient ses desiderata : vous devez être en mesure de le raisonner, en lui expliquant la réalité du marché.

Si vous n’y arrivez pas, il faudra passer votre chemin quelque temps et faire votre suivi vendeur jusqu’au moment où vous trouverez un accord sur le prix.

Vouloir à tout prix prendre un mandat dans ces conditions n’est pas une stratégie payante. Non seulement vous ferez (inévitablement) perdre de l’argent au vendeur, mais vous prenez aussi le risque d’engager votre responsabilité (cf. partie 3).

2. Surévaluation des biens immobiliers : quels risques pour le vendeur ?

Décourager des acquéreurs intéressés (dans un contexte difficile)

Alors que les banques exigent de plus en plus de garanties et que les taux d’emprunts sont plutôt élevés (autour des 4 % en août 2023), l’accès au crédit immobilier est plus difficile : aussi les acquéreurs ne perdront pas leur temps à négocier, et ne feront pas d’offre sur un bien trop cher.

À l’heure où les prix du marché sont à la baisse : surévaluer un bien c’est la certitude de ne pas le vendre !

User le bien (même s’il n’a aucun défaut !)

Usé, cramé, grillé… Il existe plusieurs termes pour désigner un bien qui ne s’est pas vendu dès la première mise en vente. Vous le savez, une vente réussie se joue généralement dans les trois premières semaines avec un délai maximum en fonction des secteurs de 3 mois.

Passé ce délai le bien perd de sa crédibilité, car il a été vu et revu sur les annonces et les portails immobiliers – ce qui provoque un sentiment de méfiance chez les acheteurs. Ces derniers se disent si le bien ne se vend pas, c’est qu’il a un problème ou qu’il est trop cher

Résultat ? Un bien mis en vente au mauvais prix ne génère aucune visite et perd son attractivité !

Vendre le bien à un prix inférieur que sa valeur initiale

Lorsque le bien ne suscite plus aucun appel, le vendeur finit par accepter de baisser le prix, pour relancer la vente… Mais, à ce stade, il a déjà perdu de l’argent ! La baisse, même significative, arrive trop tard : la mauvaise réputation du bien a pris le pas sur sa vraie valeur.

Par ailleurs, le marché de l’immobilier est fluctuant. En cas de tendance baissière, la première estimation – dont le vendeur ne voulait pas entendre parler au début du processus de vente – n’est plus représentative de la valeur du marché à l’instant T.

Pour être vendu, le prix du bien devra donc être en deçà de la première estimation !

Se retrouver dans une situation financière précaire

Une vente trop longue à cause d’une surestimation immobilière – et de surcroît à un prix très inférieur à celui avancé au départ– peut aussi mettre le vendeur dans une situation délicate, voire dangereuse si ce dernier s’est engagé sur une autre acquisition.

Dans le cas d’un achat classique, ce dernier se verra obligé de renoncer à son nouveau projet immobilier. Dans le cas d’un prêt relais, il se retrouvera, pire encore, engagé dans une transaction bien trop onéreuse pour lui, à cause du manque à gagner.

J’ai déjà vu dans certaines situations catastrophiques, le vendeur obligé de revendre le bien initialement mis en vente, mais aussi celui nouvellement acheté. Souvent induit en erreur par des professionnels l’ayant conforté dans la surévaluation.

3. Avis de valeur erroné : quels risques pour les professionnels de l’immobilier ?

Ne pas respecter la « loi Hoguet »

La « loi Hoguet » (loi 70-9 du 2 janvier 1970) régit l’activité immobilière en France et encadre la profession, pour éviter les dérives. Parmi ses nombreuses règles, cette loi oblige les professionnels à un devoir de conseil – et à mettre en garde leurs clients, s’ils jugent une opération non pertinente.

Ces derniers doivent donc s’assurer de la régularité des transactions, en transmettant des informations justes et détaillées aux vendeurs et aux acquéreurs. La responsabilité des « évaluateurs de bien » a longtemps été limitée, puisqu’ils avaient seulement une obligation de moyen et non de résultat. Mais l’évolution de la jurisprudence ces dernières années vient rebattre les cartes…

Engager leur responsabilité (exemples de jurisprudence)

Exemple 1

En mars 2018, la Cour d’appel de Bordeaux avait retenu la responsabilité d’un agent immobilier pour « manquement à son devoir de conseil et d’information qui, en sous-évaluant la valeur d’un bien, avait fait perdre une chance à son propriétaire de le vendre mieux », comme le soulignait Caroline Theuil (Juriste expert en évaluation), dans son article Un avis de valeur pourrait désormais engager la responsabilité de son auteur.

Exemple 2

En 2021, la Cour d’appel de Rouen avait rendu le même verdict pour un agent immobilier ayant surestimé un ensemble de biens à 400 000 € (en juin 2012) pour une vente finalement réalisée à 242 000 € (en novembre 2014) !

En plus de perdre du temps et de l’argent, le couple de vendeurs avait alors été contraint de rallonger la durée de remboursement de leur prêt relais. L’agent, lui, avait été condamné à payer 27 000 € de dommages-intérêts aux vendeurs lésés.

4. Estimation d’un bien immobilier : comment fixer le juste prix ?

Pour ne pas conduire votre vendeur à un échec de vente, vous devez donc donner une estimation en adéquation avec le marché. Pour cela, votre un avis de valeur doit :

  1. Positionner correctement le bien pour viser dès le départ la bonne cible (les fameux « bons acheteurs » qui ne négocient pas ou peu le prix). Il ne faut donc pas surestimer le bien, ni le sous-estimer.
  2. Convaincre un vendeur ayant déjà réalisé une estimation en ligne, que votre avis de valeur correspond à la réalité du marché – en lui apportant des preuves, et en lui démontrant que votre expertise est plus fiable que les résultats des algorithmes !
  3. Repérer les prix paliers qui font basculer entre deux typologies de bien. Par exemple sur une fourchette de prix comprise entre 200 000 € et 250 000 € sur un même secteur, observez les biens qui basculent dans la fourchette supérieure, pour seulement quelques milliers d’euros (ont-ils une piscine en plus ? une terrasse ? etc.)
  4. Offrir un levier de négociation au vendeur en lui proposant le meilleur prix (si le bien est raccord avec le marché, votre client sera alors en position de force face à l’acquéreur).

 

Comment convaincre un vendeur que son prix de vente est trop élevé ?

Pour visualiser les risques d’une mise en vente trop élevée, rien de tel qu’un schéma réalisé sur une feuille de papier ! Je vous explique, en vidéo, comment illustrer les risques d’une surestimation à votre client :

 

Un conseil ? La fourchette de prix donnée au vendeur doit être la plus faible possible : au-delà de 5 % entre la fourchette haute et la fourchette basse. Si l’écart est trop grand, vous risquez de vous éloigner du prix souhaité pour votre mandat.

Par exemple, si vous proposez une fourchette entre 200 000 € et 250 000 €, le vendeur va instinctivement proposer une mise en vente à 300 000 €. En revanche, si vous proposez une fourchette entre 200 000 € et 205 000 €, le vendeur proposera plutôt 210 000 €.

 

5. Surestimation des biens immobiliers : ce qu’il faut retenir

Face à un client récalcitrant, gardez toujours à l’esprit que laisser le vendeur se tromper sur la valeur de son bien est une faute professionnelle ! Au lieu de rentrer dans son jeu, convainquez-le de baisser le prix, grâce à votre expérience et votre connaissance du marché.

Nous l’avons vu, une estimation de complaisance est une erreur qui peut coûter cher. Outre les dommages-intérêts qu’elle peut générer, celle-ci nuit à votre crédibilité et à celle de toute la profession !

 

Prix de commercialisation ou prix de vente ?

Un avis de valeur est là pour exprimer la valeur du bien, c’est-à-dire son prix de vente et non son prix de mise en commercialisation. Si la différence entre les deux techniques semble dérisoire, elle démontre pourtant deux stratégies totalement différentes.

Avec le prix de commercialisation, vous laissez d’entrée de jeu la porte ouverte à la négociation. Avec le prix de vente, vous coupez court aux demandes de baisse, en affichant le prix en accord avec ceux du marché – et donc non négociable.

 

Des questions ? N’hésitez pas à me les poser en commentaires !